RP - Falling through flesh and bone
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La douleur est presque insupportable. Cet immonde cafard a osé m’attaquer, comme si je n’étais qu’un simple badaud sans défense. Résultat? J’ai certes remis ce que je pouvais en place pour pouvoir marcher, mais chaque pas est une souffrance. On dirait un vieillard incapable de se déplacer, c’est pathétique. Dans mon malheur, j’ai tout de même de la chance: mon aérokinésie me sert à flotter au-dessus du sol, m’empêchant de m’effondrer tous les deux ou trois pas. Toujours pathétique, mais l’honneur est sauf. Il faudrait que je vois un médecin…malheureusement je n’ai confiance en personne ici, et je ne supporterais pas de rester alité pendant un moment. Ou même, simplement de perdre de précieuses heures à attendre que l’un d’eux accepte de me soigner. Certaines personnes sont occupées dans la vie!
En parlant d’occupation, la célébration des Fondatrices a remué le couteau dans la plaie. La mort de mon père reste un mystère irrésolu, et plus les années passent, plus les chances de trouver son coupable s’amenuisent. Mais la question n’est pas là. Non…en réalité, ce qui m’inquiète le plus est le manque d’information sur ce dossier. Pourquoi refuse-t-on à ce point que je fouine par moi-même dans l’espoir de dénicher un coupable? Pourquoi me dit-on simplement de “passer à autre chose” ou de “laisser la justice faire son travail” lorsque clairement, la justice n’en a rien à faire de cette histoire? Voir ma mère seule durant la cérémonie, toute la famille rassemblée dans un même but, m’a rappelé ce vide qui grandit encore et encore en moi. Ce vide laissé par Feanor, ces regrets qui me rongent. Je ne dois rien laisser paraître, mais parfois…oui, parfois, la douleur revient elle aussi.
Puisque je n’ai pas accès aux dossiers, ne faisant pas partie d’Orrho et surtout ma famille ne souhaitant pas que je m’en mêle, j’avance à l’aveugle dans cette histoire. J’avais momentanément abandonné…pour qu’une vague de désespoir relance la machine, relance mon combat pour la vérité. Mais je ne peux m’en sortir seul. J’ai besoin d’aide dans ce domaine…de l’aide de la part des adeptes du macabre: le coventus de Cethis.
C’est compliqué lorsqu’on est un Dohva de faire confiance à l’un des adorateurs de Cethis. Parce qu’il y a des conflits passés entre nos deux coventus, parce qu’on m’a élevé dans la méfiance de ceux qui fricotent avec la mort. Mais je n’ai pas le choix dans cette histoire, il n’y a qu’eux qui peuvent m’éclairer. J’ai donc très formellement envoyé une lettraile à l’une des Spatha, qui si je ne m’abuse s’est occupée du corps de mon défunt père deux ans auparavant. Clairement, j’aurais dû la contacter bien plus tôt, si ce n’était pour cet ego mal placé et ces préjugés qui ont la vie dure. La mort m’effraie sans que je n’ose l’avouer, cette bonne vieille peur de l’inconnu. Pourtant, je la côtoie plus que je n’ose l’avouer depuis quelques années. Depuis la mort de la Fondatrice, en réalité…mais ça, personne n’est censé être au courant.
Je boitille jusqu’au lieu de rendez-vous, l’endroit même où la Spatha officie avec le corps des trépassés. A peine entré dans l’antichambre de la mort, l’odeur qui y règne me met mal à l’aise. Ca n’est pas forcément mauvais, loin de ce qu’on pourrait imaginer d’un corps en décomposition, mais plutôt une odeur d’embaumement. J’ai hâte de partir d’ici.
“Madame Nocturia?”
Je n’ai pas fait suffisamment de recherches sur cette demoiselle. Pas suffisamment à mon goût, en tout cas. Tout ce que je sais, c’est qu’il y a de fortes chances pour que ce soit elle qui s’est occupée de Feanor…et qu’elle est désormais veuve. Une histoire tragique dont je me fous complètement, puisqu’elle ne touche pas ma famille.
“Je suis Nero Caelum. Je vous ai prévenu de ma visite par lettraile, il y a quelques jours.”
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La musique en fond, pour s'occuper en attendant son prochain rendez-vous. Si la plupart sont morts et ne sont donc pas spécialement pressés; car il est bien rare d'enterrer quelqu'un dans la minute et lorsque c'est le cas on se soucie rarement de la présentation... Il arrive tout de même que des vivants viennent ici. La majorité sont là pour obtenir des modifications corporelles contre paiement. Si la Spatha de ne demande jamais le motif par soucis de discrétion, elle sait bien pourquoi l'on a recours aux services de Cethis. La vanité premièrement, tout comme elle a pu le faire il y a maintenant quelques années pour se métamorphoser. Le besoin de changer d'identité vient en second. Et en troisième, c'est dans un cas bien précis : lorsqu'un couple vient ici désespéré de pouvoir un jour réussir à procréé. Soucis d'ordre anatomique, que l'on peut parfois réglé mais dont elle refuse de se charger. La mission est bien trop délicate et elle ne se sent pas légitime pour ce genre d'opérations, préférant laisser cette tâche à son homologue.
Enfin, il y a ceux qui prennent rendez-vous sans avoir besoin d'une quelconque modification et qui ont encore, jusqu'à preuve du contraire, un palpitant qui fonctionne parfaitement. Lorsque la porte s'ouvre, la slave retiens un soupir las et referme son agenda avant d'éteindre sa musique pour accueillir cet invité inattendu.
« Oui, en effet. Bonjour Monsieur Caelum. »
Elle ne le voyais pas du tout comme ça, le fils aîné de la fondatrice. Sans savoir quoi à trop s'attendre, elle n'imaginais pas un homme frêle en train de boiter comme un canard. Elle l'aurait pensé plus charismatique. Madame Nocturia, veuve plus précisément, mais les détails lui importent certainement peu. Tasse de thé tendue à cet invité, qu'elle a préparé en espérant qu'il ait la décence d'être à l'heure. La ponctualité du Caelum appréciée, la boisson n'a pas eu le temps de refroidir ou de trop infuser.
« Votre letraille ne donnait pas beaucoup de détails sur l'objet de votre visite. »
Aucun, à vrai dire. Soudainement intriguée, voilà que le spectre l'observe pour tenter de deviner ce qui l'a amené ici. On ne passe généralement pas directement par elle ou son collègue pour une modification corporelle : il faut d'abord passer par les sabres pour être mis en relation, puis avoir un entretien psychologique avec le Kunaï... Formalités très administratives selon Marena, trop rigides pour une activité illégale. C'est également un Dohva, qui plus est un membre de la famille proche de la fondatrice. Sans doute qu'il ne viendrait pas ici pour ce genre de services étant donné les frictions entre leurs coventus respectifs. Puisqu'il n'est pas accompagné d'une femme, ce n'est pas non plus une question de système reproducteur. Alors, qu'est-ce qu'il fait là ?
« Vous ne devriez pas contacter plutôt l'un des médecins d'Ohrrun pour votre... Soucis de posture ? »
Si tant est que ce soit ça qui l'amène ici. Parce qu'autrement, la slave n'a aucune foutue idée de la raison de sa visite dans sa morgue. Marena, elle n'est pas médecin mais se doute bien qu'il y a probablement un ménisque déboité dans cette histoire.
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Je ne pouvais pas donner plus de détails. Pour la simple et bonne raison que je ne veux aucune trace écrite de l’enquête que je suis en train de mener. Les lettrailes peuvent-être interceptées, conservées par les deux partis, servir à faire pression sur n’importe qui. J’en sais quelque chose, pour avoir déjà vu faire plus d’une fois. C’est après tout ma famille qui est professionnelle dans ce genre de choses, et je ne tiens pas à voir d’autres coventus s’y mettre…ou être victime d’une trahison interne. Alors je garde les informations au strict minimum, et conserve tout ce qui est écrit chez moi, dans un endroit sûr. J’ai d’ailleurs sécurisé mon propre appartement pour cette même raison, et personne n’a encore mis les pieds dedans. A part peut-être mon frère une fois ou deux. Quoi qu’il en soit, puisque ce dossier me semble inaccessible, je fais extrêmement attention à ce que personne ne sache ce que je sais. Si pour le moment mes informations laissent à désirer, au moins, j’aurai pris de bonnes habitudes pour le futur.
Elle me coupe l’herbe sous le pied, Nocturia. Parce qu’avant même que je puisse mentionner l’objet de ma visite, elle me pose déjà des questions sur mon apparence. Ah, certes…les Cethis sont spécialisés dans la modification corporelle. Et il est vrai que je boite beaucoup, avec ces putain de rotules déplacées. Je grimace à la mention d’Orrhun - je n’ai pas de problème avec le coventus en soi, mais n’aime pas placer ma vie entre les mains d’inconnus - et utilise mon pouvoir pour léviter jusqu’à elle, prouvant ainsi que je n’ai pas besoin d’un corps fonctionnel pour conserver ma dignité.
“Je ne suis pas venu pour une quelconque modification, ou pour que vous me soigniez. Je suis là par rapport à un dossier vieux de deux ans qui, je pense, a suffisamment marqué les esprits.”
La mort du mari de la Fondatrice a ébranlé toute la Communauté, j’en suis sûr. Parce que pour la seconde fois en dix ans, les Caelum ont été visés directement, parce que l’état du corps laissait à penser qu’on s’acharnait sur nous. L’enterrement a été une épreuve difficile pour nous tous, qui n’avions pas le droit d’afficher notre peine pour rester dignes face aux autres coventus. Montrer que nous étions suffisamment forts pour supporter une telle perte, qu’elle ne nous a pas ébranlé et qu’il est donc inutile de s’attaquer directement à la famille. Mais la vérité, c’est que la mort de Feanor a tout changé en interne. Du moins, c’est mon impression.
“Il y a deux ans, Feanor Caelum a été assassiné au sein même de la Communauté. Son corps mutilé, si bien qu’il était apparemment difficile de connaître l’arme du crime. L’enquête stagne depuis deux ans. Aucun suspect n’est arrêté, Aucun indice n’est découvert. Pire encore…puisqu’il s’agissait d’un membre important du coventus de Dohva, un membre important de la Communauté elle-même, le dossier de son meurtre semble être réservé aux hautes sphères d’Orrho…qui n’avancent pas plus dans cette histoire.”
En prime, j’ai des doutes quant aux motivations d’Orrho sur cette affaire, tout comme j’ai des doutes sur le restant des Caelum. Je me déplace légèrement, grimace en posant le pied par terre et choisis de léviter au lieu de marcher, définitivement. Ce n’est pas pratique et ça me demande une certaine concentration, mais c’est déjà mieux que rien.
“Il y a deux ans, vous étiez déjà Spatha chez les Cethis. Il y a donc de très fortes chances pour que vous vous soyez occupé du corps…et donc que vous possédiez, encore aujourd’hui, un dossier complet. J’aimerais y accéder.”
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Spectre silencieux qui écoute le Caelum. Appuyée contre sa table d'embaumement -désespérément vide en attente d'un client-, souffle sur son thé et décortique ses paroles. Pas de détection de mensonge, en tout cas. Il n'est vraiment pas là pour ça mais pour tout autre chose. Le meurtre de son père. Un cas qui date d'il y a deux ans. Un enterrement qui avait réuni tout le gratin de la communauté, Marena s'en souviens bien. Tout les gens importants s'étaient pressés aux obsèques, un remue ménage monstrueux.
Une grosse pression de son côté à elle aussi. L'autre Spatha indisponible à ce moment-là, elle venait de prendre ses fonctions et c'était l'un de ses premiers clients. Tu parles d'une manière de commencer sa carrière : rater la préparation du corps du mari de la fondatrice, c'est une raison suffisante pour raviver les tensions entre leurs coventus. Si leurs différents remontent à il y a longtemps, la Russe est bien placée pour savoir que dans certains cas, peu importe si l'eau est passée sous les ponts. C'est comme ça qu'elle s'est retrouvée mariée à un Nocturia à cause d'une prophétie, c'est pour avoir refusé d'enterrer une fondatrice à cause de mauvais présages qu'ils ne s'aiment pas avec les Dohva. Encore et toujours ces foutus devins, satanées lances qu'elle déteste décidément.
« C'est effectivement moi qui me suis occupée de votre père. »
Gorgée de thé en pesant le pour et le contre de cette histoire. Orrho est mentionné par le fils de la fondatrice. Risquer d'avoir des ennuis avec la police ce n'est jamais une très bonne idée. Envoyer chier un Caelum ce n'est pas très malin non plus. Soupir las, Marena décide d'attacher ses cheveux. Comme si ça pouvait l'aider à réfléchir un peu mieux à quoi répondre.
« Je suppose que ça n'a rien d'illégal, de renseigner le fils d'un défunt pour l'aider à faire son deuil. »
Mais il lui faut quelques garanties. Pas bête la guêpe. Nocturia est un nom tout aussi délicat à porter que celui des Caelum. Sans doute comprendrait il qu'elle a en plus une pression supplémentaire contrairement à lui, puisqu'elle n'est pas née au sein de cette famille.
« J'aimerai néanmoins m'assurer que le coventus de Cethis ne sera pas mentionné si vous veniez à collaborer avec qui que ce soit sur cette... Enquête. Vous comprendrez bien Monsieur Caelum que je suis moi aussi dans une position délicate. Si la police vous refuse l'accès aux dossiers, qu'importe leurs raisons, ils n'apprécieraient certainement pas ma coopération. »
Connaître la vérité sur ce meurtre, ça ne l'intéresse pas. Marena n'est pas en recherche de vérité, sans doute qu'elle finirait par ne plus réussir à avoir de temps dans sa vie privée si elle venait à fouiller chaque dossier de mort suspecte. Non, ça elle s'en fiche bien de savoir qui a tué le père du Dohva. Tout ce qu'elle veut, c'est rester en dehors de cette histoire qui ne la concerne pas.
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